Témoignage : L’éducation n’est pas pour tous au Rwanda, cas de discrimination

Le 4 octobre 2021 la ministre rwandaise chargée de l’éducation, le Dr Valentine Uwamariya, publiait le nombre des élèves de l’école primaire ayant réussi l’examen national pour entrer au secondaire (équivalent du collège en France). Ce 10 octobre elle a expliqué que si les autorités avaient pris la décision de faire redoubler plus de 60 000 élèves c’est que depuis de nombreuses années le marché du travail montrait que les Rwandais obtenaient leur diplôme sans savoir ni lire ni écrire. Dans cet article nous allons revenir sur le témoigne d’une enseignante qui a eu la chance de voir son enfant réussir l’examen national avec un bon classement dans son secteur de résidence mais ne pourra pas poursuivre ses études au secondaire par manque de moyens financiers. Nous verrons aussi que son cas n’est pas isolé.

La mère et enseignante a discuté avec REMEZO Rodriguez, auteur de l’article publié en Kinyarwanda. La mère de famille lui a partagé son désarroi.  Malgré le bon classement de son enfant elle va le faire inscrire dans une école 9YBE (Nine years Basic Education) une branche en principe de seconde chance.

Le salaire de l’enseignante est de 50 000 Frw au bout de 19 ans d’expérience, il faut savoir que les enseignants débutants touchent 44 000 Frw au Rwanda. Sur le salaire de base peut s’ajouter une prime du fait que les parents des élevés qui fréquentent son école cotisent pour que les enseignants touchent une prime. Le hic est que la mère de famille est sonnée de cotiser au sein du Front Patriotique Rwandais (le FPR), le parti unique de Paul Kagame qui monopolise le pouvoir au Rwanda depuis 1994, elle paye aussi une taxe pour la propreté (5 000 Frw) et pour la sécurité (1 000 Frw).

Pour en savoir plus sur le niveau de vie des ensignants au Rwanda vous pouvez lire : Rwanda : Leur vie d’enseignant(e), calculette à l’appui.

La famille habite à Kigali mais l’enfant a été affecté dans une école en province. Le lieu exact ne peut pas être communiqué pour éviter que les autorités rwandaises connues pour leur extrême répression violente ne s’en prennent à la famille. L’enseignante a partagé avec le journaliste la liste des prérequis d’un autre établissement en guide de preuve. C’est cette liste que nous allons utiliser pour comprendre le chagrin de la mère de famille et démontrer que l’éducation au Rwanda n’est pas pour tous.

Comment l’on peut le voir sur la liste, les parents qui ont des enfants dans l’internant de l’école devraient apporter pour le premier trimestre :

  • 78 700 Frw pour les frais de scolarité,
  • 6 100 Frw la cotisation pour la prime des professeurs,
  • 1 000 Frw la contribution pour le logiciel de communication entre les parents, les élèves et le corps enseignant,
  • 5 000 Frw pour le développement de l’école,
  • 24 000 Frw pour acheter l’uniforme (deux chemises, deux jupes ou deux pantalons pour les filles ou les garçons, un pull manches longues et t-shirt).

La somme de l’argent demandé aux parents est de 114 800 Frw, les parents ont seulement deux semaines pour rassembler cette somme, du 04 octobre au 18 octobre 2021. Les parents doivent aussi chercher un matelas, des draps et des effets personnels de leurs enfants (les savons, les dentifrices, les couettes, quatre masques en tissus, la vaisselle). Il est aussi demandé aux parents de donner 500 Frw à leurs enfants, une provision pour la coiffure et une lame de papiers qui coute 4 000 Frw, la liste n’est pas exhaustive…

Lorsque l’on additionne la somme que la mère de famille doit rassembler pour couvrir les frais d’un trimestre l’on avoisine les trois mois de salaire de l’enseignant à savoir environ 150 000 Frw.  Néanmoins pour faciliter la vie de parent, l’établissement scolaire propose aux parents de venir acheter le nécessaire au sein de l’école!

Cette situation est questionnant sur les responsabilités de l’Etat rwandais. Si ce sont les parents qui prennent en charge les primes des enseignants, les logiciels de communication du système éducatif et les frais pour le développement des écoles à quoi servent les impôts, la multitude des taxes payées au Rwanda et les frais de scolarité ? Comment des élèves peuvent prendre en charge le développement des écoles publiques ?

Une journée de rentrée au Rwanda : le départ vers les internant

L’enseignante et mère de famille après avoir constaté qu’elle ne peut pas subvenir aux besoins de sa famille, alors que sa famille mène une vie à la limite de la précarité, et mettre presque trois mois de son salaire (avant les diverses cotisations) dans les frais de scolarité du trimestre d’un seul enfant a alors décidé de mettre son enfant dans l’école de seconde chance, 9YBE. Ceci lui évitera de rester à la maison sans rien faire au risque de mal tourner. Elle a raconté qu’ils sont nombreux, des parents, à partager le même problème.

A titre personnel en posant la question, l’on m’a renseignée sur les cas de trois familles qui sont dans le même désarrois. Comment un enseignant pourra bien enseigner ses élèves s’il ne peut pas subvenir à l’éducation de ses propres enfants ? Si un enseignant, qui a un salaire régulier, ne peut pas envoyer ses enfants à l’école secondaire (collège) public, comment font les chômeurs, ceux qui ont des emplois précaires, les chômeurs et les paysans ? Normalement l’Etat rwandais représenté par le FPR a la responsabilité de garantir l’éducation pour tous les Rwandais. L’on connaissait la discrimination dans le système éducatif du régime qui a précédé le FPR au pouvoir, le monde entier s’est indigné et l’a condamné, le nouveau système discriminant est soutenu par les bailleurs des fonds occidentaux du Rwanda. Par exemple ce printemps 2021, au Rwanda, Emmanuel Macron a annoncé qu’il allait augmenter les aides de la France au Rwanda à hauteur de 500 millions d’euros de 2021 à 2023.  Ces aident vont en principes soutenir l’enseignement du français, des transports des systèmes de santé… Pendant qu’une grande partie des petits rwandais ne peuvent pas accéder au collège, la priorité d’Emmanuel Macron n’est pas de soutenir l’accès de ces prés adolescents à l’éducation mais de soutenir l’éducation des enfants des oligarques du FPR à apprendre le français.

La ministre chargée de l’éducation a aussi annoncé le taux de réussite de ce cet examen national qui est de 86,5%, combien parmi eux ne pourront pas poursuivre leurs études par faute de moyens financiers ? Que prévoit l’Etat rwandais pour le 13,5% qui ont échoué ?

Paul Kagame et son FPR ont compris que s’ils veulent rester au pouvoir à vie, il faut maintenir la grande majorité de la population rwandaise dans l’ignorance. En 2019 j’écrivais que la génération qui a subi la baisse de la qualité de l’enseignement orchestré par le FPR allait arriver sur le marché du travail. Aujourd’hui le Dr Valentine Uwamariya me donne raison en disant que le marché du travail a montré que cette nouvelle génération ne sait ni lire ni écrire ! Le pire est à craindre pour l’avenir du Rwanda. Les têtes bien pensantes ont été emprisonnées, assassinées ou forcées à la disparition, les cerveaux vivent à l’exil et travaillent pour les économies des pays qui les ont accueillis pendant ce temps la propagande a bien marché, le monde entier croit que Kagame a développé les Rwanda ! Les Rwandais sont comme une femme qui est battue par son tyran de mari mais à l’abri des regards, elle est condamnée à souffrir en silence ou se libérer. Il est important que ceux qui soutiennent le FPR, comme Emmanuel Macron, comprennent qu’ils ne le font pas au nom des Rwandais ni pour les aider.

Alice Mutikeys

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