Article original publié par AfroAmerica.net
Cette année, certains dictateurs africains ont été destitués ou assassinés. Parmi les personnes déchues figurent le président malien Ibrahim Boubacar Keïta et le président guinéen Alpha Condé. Le président tchadien Idriss Déby a été assassiné. En attendant, de nombreux dictateurs africains restent au pouvoir, dont certains figuraient déjà parmi les dictateurs africains Impitoyables de 2018 d’AfroAmerica Network (voir AfroAmerica Network African Dictators Who Mattered In 2018 : Le Congolais Joseph Kabila, le Rwandais Paul Kagame, l’Ougandais Yoweri Museveni du 27 déc. 2018). De nouveaux dictateurs viennent également grossir les rangs.
Guinée Conakry : Coup d’État après coup d’État.
Le dimanche 5 septembre 2021, des rebelles militaires menés par le colonel Mamady Doumbouya, un ancien officier légionnaire français, se révoltent en Guinée et arrêtent le dictateur Alpha Condé. Après avoir appris le coup d’État, une masse de partisans des rebelles est descendue dans les rues pour célébrer la victoire. Alpha Condé, âgé de 83 ans, est devenu le premier président démocratiquement élu de Guinée en 2010 et a été réélu en 2015. En 2021, il a fait adopter une modification de la Constitution afin de pouvoir briguer un troisième mandat, ce que ses opposants jugent illégal. La population s’était lassée du règne autoritaire d’Alpha Condé et de ses manœuvres illégales pour rester au pouvoir.
Le coup d’État en Guinée Conakry rappelle un événement similaire au Mali, quelques mois plus tôt.
Mali : Coup d’État après coup d’État.
Le coup d’État au Mali, mené par le colonel Assimi Goïta en mai 2021 contre Bah N’daw, est le résultat de mois de troubles suite aux accusations de l’opposition contre le président Ibrahim Boubacar Keïta d’irrégularités lors des élections législatives de mars et avril 2020 et à l’enlèvement du chef de l’opposition Soumaila Cissé. Le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta et le colonel-major Ismaël Wagué ont mené un coup d’État militaire et arrêté le président Keïta et le Premier ministre Boubou Cissé. Bah N’daw est nommé président par intérim, le colonel Assimi Goïta étant nommé vice-président. Après le coup d’État du 24 mai 2021, le colonel Assimi Goïta est devenu le nouveau dictateur après avoir forcé le président dictateur Bah N’daw à démissionner. Le 20 juillet 2021, le nouveau dictateur malien Assimi Goïta a survécu à une tentative d’assassinat.
Tchad : Un dictateur assassiné et remplacé par son fils.
En avril 2021, Idriss Déby, maréchal Idriss Déby Itno, longtemps au pouvoir au Tchad, est assassiné à la suite d’intenses combats contre les rebelles. Il a été remplacé par son fils de 37 ans, le général Mahamat Idriss Déby Itno (voir Dictateurs, fils et filles d’Afrique : Le dictateur tchadien Idriss Deby tué et remplacé par son fils).
Idriss Déby a dirigé le Tchad pendant plus de 30 ans, après avoir pris le pouvoir lors d’un coup d’État en décembre 1990, en tant que chef de la rébellion contre le dictateur Hissène Habré. Il a survécu à plusieurs rébellions et tentatives de coup d’État contre son propre régime. Il a remporté les élections en 1996 et 2001. Il a ensuite éliminé la limitation des mandats dans la constitution, ce qui lui a permis de revendiquer les élections de 2006, 2011, 2016 et 2021. En 2020, il s’est donné le titre de maréchal.
Dictateurs africains qui ont du poids
Le dictateur guinéen Alpha Condé et le dictateur tchadien Idriss Déby avaient modifié la constitution de leur pays pour leur permettre de briguer des mandats supplémentaires illégaux. Leurs actions rappellent ce que font la plupart des dictateurs en Afrique.
Parmi les dictateurs africains les plus impitoyables figurent :
Yoweri Museveni de l’Ouganda, 76 ans, né en 1944 et dictateur depuis 1986. Lorsqu’il a renversé un autre dictateur en 1986, il a promis de quitter le pouvoir en 1990, puis en 1996, puis en 2001, puis en 2006, puis en 2011, puis en 2015, puis jamais. En 2000, il a déclaré au Los Angeles Times : « Je quitterai le pouvoir, c’est certain, car je ne suis pas un roi héréditaire. Je serais très heureux de quitter mes fonctions, une fois que j’aurais rempli mon mandat. Pour que l’on se souvienne de moi comme d’un combattant de la liberté, qui a contribué à donner au peuple ougandais la clé de son avenir, à lui donner la démocratie, à se débarrasser de la dictature. » Eh bien, non seulement il reste le dictateur de l’Ouganda, mais en plus, le 27 décembre 2017, il a amendé la Constitution pour supprimer les limites d’âge présidentielles, s’autorisant ainsi à rester au pouvoir à vie. Depuis, il est accusé d’une large répression contre l’opposition. Yoweri Museveni aurait préparé son fils, le général Muhoozi Kainerugaba, pour lui succéder.
Paul Kagame du Rwanda, 63 ans, et dictateur depuis 1994. Paul Kagame parle souvent de tolérance, d’ouverture, de réconciliation et de redonner le pouvoir au peuple rwandais mais, pour l’instant, il est surtout connu pour sa propension à l’autoritarisme et son impressionnant bilan de répression sanglante et de crimes systématiques massifs, tant au Rwanda que dans les pays voisins, depuis 1990. Prétendant initialement être prêt à quitter le pouvoir, Paul Kagame a décidé en 2015, à l’issue de son deuxième mandat autorisé par la constitution, de réécrire la clause de limitation des mandats de la constitution rwandaise, afin de lui permettre de briguer un troisième mandat lors des élections de 2017 et de rester au pouvoir à vie. Paul Kagame aurait préparé sa fille, Ange Kagame, pour lui succéder (voir Les tentatives du Rwandais malade Paul Kagame de s’accrocher au pouvoir par l’intermédiaire de sa fille Ange Kagame).

Paul Biya du Cameroun, 91 ans, né en 1933 et dictateur depuis 1982. D’abord brillant et visionnaire, il s’est transformé en un dictateur sénile, qui n’attend que la mort pour quitter le pouvoir.
Denis Sassou Nguesso de la République du Congo, 77 ans, né en 1943 et dictateur entre 1979-1990 puis depuis 1997. Il a été contraint d’abandonner le pouvoir en 1990 et a ensuite mené une guerre civile sanglante pour reprendre le pouvoir en 1997. Son népotisme est connu dans le monde entier.
Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de Guinée équatoriale, 79 ans, né en 1942 et dictateur depuis 1979. Il est l’un des dirigeants les plus corrompus d’Afrique. Il a pourtant renversé son oncle Macías, après que ce dernier ait ordonné l’assassinat de plusieurs membres de leur famille, dont le frère d’Obiang. Obiang et d’autres membres du cercle intime de Macías craignaient que le président ne soit devenu fou. Obiang a renversé son oncle le 3 août 1979 dans une soupe sanglante, l’a jugé pour génocide et l’a exécuté par un peloton d’exécution le 29 septembre 1979. Depuis lors, il est devenu la copie de son oncle, à la seule différence qu’il a poussé le népotisme à l’extrême.
Ali Bongo Ondimba du Gabon, 62 ans, né en 1959 et dictateur depuis 2009. Après avoir été formé par son père pendant des années, il a pris le pouvoir après la mort de ce dernier. Depuis lors, il s’accroche au pouvoir d’une main de fer. Cependant, ces dernières années, il a rarement été vu en public et, à l’occasion, il a montré des signes de détérioration de sa santé. On pense qu’il passe la plupart de son temps dans des hôpitaux à l’extérieur du pays et qu’il nomme peu à peu, à des postes élevés, des personnes qui protégeront les intérêts de ses proches et l’héritage que lui et son défunt père Omar Bongo laisseront après lui.
Faure Essozimna Gnassingbé Eyadéma, 55 ans, né en 1966 et dictateur depuis 2005. Après avoir été formé par son père Gnassingbé Eyadéma, il est devenu président après la mort de son père en 2005. Gnassignbé Eyadéma est devenu le président du Togo de 1967 à sa mort en 2005. Il a accédé à la présidence après deux coups d’État militaires réussis, en janvier 1963 et janvier 1967, et est devenu président le 14 avril 1967. Pendant sa présidence, Gnassignbé Eyadéma a préparé son fils à être le successeur à la présidence. Ainsi, Faure Essozimna Gnassingbé Eyadéma a été nommé par son père ministre de l’Équipement, des Mines, des Postes et des Télécommunications, de 2003 à 2005. En 2002, la constitution a été amendée pour abaisser l’âge d’éligibilité à la présidence de 40 à 35 ans pour correspondre à l’âge de Faure Essozimna Gnassingbé Eyadéma, alors âgé de 36 ans.
Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire, 79 ans, né en 1942 et dictateur depuis 2011. Alassane Ouattara a forcé un troisième mandat l’année dernière après avoir modifié illégalement la constitution de son pays. Ses tentatives pour modifier la constitution et les dispositions légales du pays ont commencé très tôt, avant même qu’il ne devienne président. En fait, en tant que Premier ministre, sous Houphouët-Boigny, Alassane Ouattara a tenté sans succès, illégalement et contre la constitution, d’exercer les fonctions présidentielles pendant 18 mois au total, lorsque Houphouët-Boigny était malade. Lorsque Houphouët-Boigny est décédé le 7 décembre 1993, une lutte de pouvoir s’est engagée entre Alassane Ouattara et le président de l’Assemblée nationale de l’époque, Henri Konan Bédié, au sujet de la succession présidentielle, au mépris total de la constitution qui donnait clairement à Henri Konan Bédié le droit légal de diriger le pays si Houphouët-Boigny devenait inapte. Konan Bédié l’emporte : Alassane Ouattara a démissionné de son poste de Premier ministre en décembre 1993. Lorsqu’il devient président en 2010, après des élections controversées marquées par des irrégularités, des troubles, une guerre civile et des arrestations d’opposants, il est clairement déterminé à se maintenir au pouvoir pour toujours.

Ce qui attend les dictateurs africains.
Une leçon pour les dictateurs africains pourrait être celle du Soudan. Le 11 avril 2019, le dictateur soudanais Omar Hassan Ahmad al-Bashir a été destitué par l’armée après des mois de manifestations anti-gouvernementales contre son règne de trois décennies. Les femmes ont joué un rôle majeur dans sa destitution. Depuis lors, Omar Hassan Ahmad al-Bashir est accusé de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité au Darfour. Le nouveau gouvernement soudanais s’est engagé à remettre Omar el-Béchir à la Cour pénale internationale (CPI) ainsi que d’autres responsables recherchés pour les crimes commis au Darfour, selon un conseil des ministres.