Bientôt le suspense sera levé, les Rwandais, ceux enflammés par la compétition de Miss Rwanda 2019 vont connaitre le nom de la gagnante.
Cette compétition semble avoir fait le consensus chez les Rwandais. En effet la présence d’une candidate, Josiane Mwiseneza, a suscité un engouement inhabituel pour la compétition. La particularité est qu’elle est issue du milieu rural contrairement aux autres candidates plutôt citadines. Ses supporteurs viennent de tous les milieux y compris ceux qui sont rarement d’accord sur des sujets relatifs au Rwanda.
Ayant suivi de loin cette saga, qui m’a rappelé celle de Judith-Safi-Parfine, j’ai pu constater un élément. A l’heure des groupes WhatsApp, Facebook… l’engouement derrière ce concours de Miss Rwanda 2019 est moins présent dans les groupes composés que des Femmes (pour les groupes où je suis). Très peu en parlent alors que d’habitude les sujets relatifs à la société suscitent leur intérêt. A l’inverse dans les groupes mixtes, ce sujet est régulièrement discuté et souvent initie par les hommes.
Les femmes plus lucides ?
La voix discordante est venue d’un compte Twitter @Ingabirelm et a été relayée par le média en ligne Kigali Today « J’ai essayé de comprendre la plus-value, ce que nous apporte une Miss, mais je n’ai pas trouvé. Je ne sais pas ce que ce concours apporte aux Rwandais, surtout que très peu connaissent ce concours. Jusqu’à présent les anciennes Miss n’ont pas apporté une action significative dans le développement du pays. » Pour elle, on devrait promouvoir les compétitions qui valorisent les talents y compris les talents de jeunes filles ou les projets qui vont aider au développement du Rwanda.
Une fois n’est pas coutume, j’approuve ce que dit ce compte Twitter. Dans un pays comme la France, le concours de Miss France est placé dans les programmes de divertissement, on voit rarement les acteurs de la politique intervenir dans ce programme et quand ils le font c’est souvent au détriment de leur image. Dans un pays à milles problèmes, les femmes et les hommes devraient laissent leurs divisions de côté pour résoudre ces problèmes. Ceci semble une mission impossible à part quand il s’agit des sujets futiles. Une anecdote dans la politique française, dans la campagne électorale des élections présidentielles de 2007, selon un analyste dont j’ai oublié le nom, tant que Ségolène Royale était perçu comme une belle femme, les hommes déclaraient qu’ils allaient voter pour elle (ses scores dans les sondages). A partir du moment qu’ils ont réalisé que voter pour elle c’était lui confier les clés de l’avenir de la France, leur avenir, une partie a récupéré sa lucidité. C’est le signe que les hommes sont prêts à soutenir les femmes tant qu’elles restent dans le rôle qu’ils ont défini pour elles. Ceci explique aussi pourquoi les femmes ont l’image la plus réaliste de cette compétition : un programme de divertissement, elles suivent suivre sans plus et zappent selon son humeur.
Le projet de Mwiseneza original ?
On peut aussi s’interroger sur l’originalité du projet de Mwiseneza, il serait original. Lutter contre la malnutrition infantile au Rwanda est un beau projet et mérite d’être soutenu voire d’être pris en charge par les autorités. Mais lutter contre l’esclavage sexuel des jeunes filles, promouvoir l’égalité des genres, lutter contre la mortalité infantile, encourager l’entreprenariat, le leadership… tous ces projets sont beaux et mériteraient aussi d’être soutenus. Et si les projets dans un concours de beauté n’étaient que la caution morale et intellectuelle de ceux qui n’assument pas l’aspect divertissement de ces concours et la place de la femme véhiculé par ces derniers ?
Les divisions d’hier ?
En Kinyarwanda « Bazirunge zange zibe isogo » traduit en français par « chassez le naturel il revient au galop ». On n’a pas attendu longtemps avant de voir apparaitre les divisions qui caractérisent la société rwandaise. L’ethnie de la miss phare a été pointé du doigt ce qui a pu engendrer les doutes chez une minorité sur les motivations de ceux qui la soutiennent. La note positive est que seule une petite minorité s’est aventurée sur ce terrain et qu’elle a été largement condamnée par la grande majorité. La dernière en date est le tweet de la CNLG.
Miss Rwanda, un titre à revoir ?
Ce paragraphe s’applique à tous les pays, dont le titre officiel de leur concours de beauté est Miss Nom du pays. Ce titre pourrait laisser penser que ce samedi la Rwandaise la plus belle d’une génération sera couronnée. Ce qui est faux, le concours va couronner une jeune femme qui aura été évaluée comme belle parmi les jeunes femmes, répondant à des critères liés à la génétique ou subjectifs, qui ont présenté leurs candidatures. Le groupe dans lequel se fait la sélection n’est pas représentatif de la société rwandaise.
Maïa Mazaurette est féministe spécialisée entre autres sur la répartition des rôles hommes-femmes, la place des minorités sociales ainsi que celle du corps dans les sociétés. Elle pense de ces concours « si c’est un concours de beauté, ce serait bien de l’appeler Miss Beauté. La France vaut mieux que ça. La condition féminine aussi ». Le Rwanda et les femmes rwandaises valent mieux que ce concours. Michèle Idels, une autre féministe, déclare « La beauté en question est très stéréotypée, formatée, fondée sur une conception de la féminité misogyne et sur une relation entre les hommes et les femmes largement dépassée », elle fustige une compétition « qui ne rend pas service aux femmes » et met en cause une « tendance ultra-libérale de la société qui ne connaît que le rapport de forces et la compétition excluante ».
Je ne suis pas une féministe, j’ai plusieurs points de désaccord avec leurs mouvements, mais les concours de beauté me rapprochent d’elles et me rappellent que les femmes ont obtenu beaucoup des résultats dans la lutte contre les stéréotypes et que le chemin continue. Nous, les femmes, valons mieux que l’image que les hommes veulent que nous soyons.
La parité un acquis au Rwanda
Je profite de ce billet pour compléter mon précèdent post : Les marionnettes de la politique rwandaise.
L’action du Rwanda dans la promotion pour l’égalité des genres est à saluer. Plus de 60% des femmes au parlement, 50% des ministres femmes dans le gouvernement, des femmes au sommes des plus grandes institutions nationales et internationales, la plus récente étant Louise Mushikiwabo à la tête de le la Francophonie.
Le Rwanda est un exemple à suivre pour beaucoup des pays y compris la France. La critique la plus répandue consiste à dire que ces femmes sont incompétentes, j’avais utilisé le mot « marionnettes ». Aujourd’hui tout en l’assumant je complète mob billet en disant que beaucoup d’hommes à la tête des institutions ou des parlementaires sont incompétents ou des marionnettes aussi. Revenons sur phrase Françoise Giroud le 11 mars 1983, disait « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » Nous y sommes pour le Rwanda, c’est déjà ça de pris.