Ce 23 Novembre 2018, Eric Bagiruwubusa s’est entretenu avec la présidente du parti FDU-Inkingi sur les ondes de la Voix de l’Amérique. Retranscription en francais de l’’interview faite en Kinyarwanda
Inscrire son parti politique au Rwanda ?
Mme Victoire Ingabire Umuhoza : Avant de faire inscrire mon parti, il y a beaucoup des choses à faire.
- Premièrement concernant le parti FDU, les membres de mon parti sont en prison. Les cadres de mon parti, des responsables au niveau national ou régional ont été emprisonnés, il y en a un qui a été assassiné. Vous comprenez que c’est un problème fondamental. Il serait insensé d’inscrire le parti politique alors que nous avons encore des problèmes à résoudre
- En second lieu, je viens de sortir de prison, je dois d’abord m’immerger dans le pays et me mettre au courant de la réalité du terrain. Je rencontre les citoyens et écoute leur souci. Ils me disent que leur problème majeur est l’extrême pauvreté. Seule une minorité des Rwandais est extrêmement riche, il suffit de voir les voitures qui circulent dans la vie de Kigali et les villas. Mais quand on dépasse l’hyper centre, dans la périphérie et les villages les gens disent qu’ils sont affamés. Un citoyen m’a raconté avec humour cette anecdote triste : « nous sommes en train d’endetter notre vie » et ça veut dire quoi « endetter la vie » ? «si je mesure ce que l’on me demande pour faire vivre ma famille, pour y arriver je devrais avoir au moins un revenu mensuel de 150 000 Frs rwandai. Cependant le peu que j’arrive à faire entrer par mois est de 40 000 Frs Rwandais. Au moins lui a le privilège d’avoir un petit champ qu’il peut cultiver. Ce qui n’est pas possible en ville. Ceux de Kigali me disent aussi que le coût de la vie à Kigali dépasse leur revenu, ils ne peuvent plus suivre.
Vous comprenez que cela soit dans les villages ou à Kigali, les gens pensent qu’ils n’ont pas d’avenir, je ne peux pas faire de la politique sans avoir écouté les préoccupations des citoyens. Je ne souhaite augmenter le nombre des partis politique au Rwanda, je veux créer un parti politique tourné vers le peuple, pour trouver des solutions aux préoccupations des citoyens. Si un citoyen pauvre dit qu’il ne voit pas sa place dans le pays, avant de faire un parti politique je dois me poser la question de savoir comment lui trouver sa place. Ce citoyen est Rwandais, il a sa place au Rwanda.
Il y a aussi les enseignants, ils me disent donner des cours aux enfants qui n’ont pas mangé, on ne peut pas apprendre le ventre vide. On peut penser au slogan qui dit que la Richesse du pays est fondée sur la connaissance. Comment va-t-on-y arriver si l’éducation des plus petits se fait dans des mauvaises conditions [liées aux mauvaises conditions de vie], si on ne commence pas par bien apprendre aux plus jeunes, les plus âgés auront quelle connaissance ? Où le Rwanda trouvera-t-il cette richesse fondée sur la connaissance ? Il y a beaucoup des soucis.
- Un autre souci est la liberté. C’était déjà le cas en 2010 quand je suis arrivée au Rwanda, il y a un climat de peur qui règne au Rwanda . Vous savez que les gens me disent «Mme Ingabire nous vous demandons s’il vous plait d’arrêter de vous exprimer, pourquoi ne pas prendre votre passeport et quitter ce pays ? »
Pourquoi ?
Car les gens vivent dans la peur, personne n’ose s’exprimer. Comment cela est-il possible de vivre au Rwanda dans un tel climat de peur ?
Il y a beaucoup des problèmes qu’à mon sens, les Rwandais nous devrions se mettre autour d’une table, en parler et trouver des solutions. Ceci ne concerne pas que les Rwandais de l’intérieur. J’écoute aussi les Rwandais de l’exil.
Il y a quelque jours la coalition des partis politique P5 dont fait partie le FDU-Inkingi, a écrit au présidant Paul Kagame, pour demande d’établir un dialogue sur la démocratie et la paix. Et dans une conférence de Presse, le ministre des affaires étrangères Richard Sezibera a répondu qu’il ne reconnait pas ces partis politiques, pour lui ce sont plutôt des associations, qu’en avez-vous pensé ?
Que cela soit des associations ou des partis politiques, le plus important est que nous existons et que le gouvernement rwandais est au courant que nous existons. C’est ce que je disais, il doit y avoir la volonté de tous les côtés politiques :
- Que cela soit ceux qui sont dans l’opposition, ils doivent demander le dialogue, et comprendre que ce dialogue est nécessaire pour mettre fin aux problèmes que nous avons au Rwanda, que ce dialogue va les aider à quitter l’exil et rentrer pour construire ensemble le pays.
- Que cela soit ceux qui sont au pouvoir, ils doivent admettre cette volonté d’établir le dialogue, ils doivent comprendre que ceux qui demander le dialogue ont la volonté de construire notre pays et de mettre fin aux problèmes existants, et cela sans un autre bain de sang. De tous les temps, quand il y avait des problèmes au Rwanda, les gens pour acquérir leur droit, ont pris les armes.
Je crois même que le FPR et Paul Kagamé sont bien placés pour comprendre ce problème, parce que quand ils se sont résignés à prendre les armes en 1990 c’est que l’on leur avait privé de leurs droits fondamentaux. De ce fait je ne comprends pas comment aujourd’hui le ministre des affaires étrangères peut dire « je ne reconnais pas ces gens » alors que nous sommes des Rwandais.
Ceci me rappelle l’époque de Habyarimana quand le ministre des affaires étrangères Casimir a dit, quand on lui a demandé d’aller voir les réfugiés en Ouganda : « je ne les ai pas vus, j’ai vu des ruines de champs (imitiritiri). Je voudrais souligner que ces manières des hommes politiques qui consistent à utiliser le mépris, surtout à notre époque sont à bannir. Arrêtons de se mépriser les uns des autres, nous avons tous en commun la volonté de construire notre pays et ce dans des conditions de paix durable.