Le Rwanda est admiré par beaucoup pour la construction des infrastructures à grande échelle et sous un temps record. Parmi ces infrastructures figurent les routes qui permettent de lier la capitale Kigali et les provinces. Si l’on peut admirer leur construction, nous ne devons pas oublier le prix que paye la population notamment les plus démunis pour que le Rwanda offre aux occidentaux l’illusion d’un pays qui rayonne.

C’est le cas de la construction de l’axe Huye-Kitabi dans le district de Nyamagabe, province Sud du Rwanda, qui fait parle d’elle, notamment des conséquences pour ceux qui habitent autour de l’axe, depuis trois ans. En 2019, ils se plaignaient déjà car la construction avait abimé leurs biens immobiliers et leurs récoltes. Nsekalije Leonard avait raconté sa mésaventure à RBA (équivalent AFP) : « C’est bien de développer le pays mais cela a démoli notre maison, nous avons perdu nos récoltes. Depuis que cette route a été construite, je suis allé 15 fois au District (équivalent d’un département pour la France) pour demander à être indemnisé et je suis sans réponse ». Dans le reportage du RBA, ils étaient nombreux à raconter le prix fort qu’ils ont dû payer pour que cette route soit construite : maisons détruites, champs abimés, récoltés et élevages abimés .

Trois ans plus tard, en 2021, la population continue de se plaindre. Ceux qui habitent la zone autour de la route sont préoccupés car ceux qui ont construit la route n’ont pas prévus comme les eaux allaient être évacuées, le plus étonnant et qu’elles ont été détournée dans leur zone d’habitation. Ils ont raconté leurs mésaventure à Kigali Today. C’est l’exemple d’Apollinaire Bajyanama dont la cuisine a été abimée en 2018 : « Nous avons été obligés de mettre des tôles sur la cuisine et sur la douche. Avant il y avait de tuiles. En 2018 lorsqu’il y a eu de fortes pluies les eaux de la route se sont déversées dans la maison et a déconstruit la cuisine. ».
La femme de Théoneste Hitimana a dit au journal que leur maison a été également touchée : « Les eaux de la route sont venues jusqu’à chez nous et ont pu s’introduire même dans la maison. Nous sommes allés voir le secrétaire executif de la cellule, il en a parlé et les ouvriers chinois sont venus. Nous avons pensé qu’ils allaient construire un canal d’évacuation des eaux de la route. Ils ont juste creusé et sont repartis. L’On nous a demandé d’écrire au maire, nous l’avons fait et nous sommes toujours sans réponse. ».
Le petit fossé de drainage artisanal construit par les ouvriers chinois s’agrandit jour après jours. Les habitants ont dû mettre un petit pont à un endroit critique et ils craignent que ce fossé ne continue de s’agrandir jusqu’à devenir très critique pour toute la zone d’habitation. Leur plus grande crainte est qu’en cas de fortes pluies, les eaux qui augmentent en volume et en vitesse n’emportent leurs enfants.

Du côté des autorités, Patrick Emile Baganizi, directeur général adjoint de la RTDA (agence chargée du transport), affirme que le problème des eaux de route qui détruisent les zones d’habitation, n’est pas seulement à Nyarusange, mais aussi sur d’autres routes. Les autorités commencent à chercher les solutions. « Beaucoup ou presque toutes les routes ont un problème d’évacuation des eaux de route vers les champs ou les zones habitées car au moment de leurs constructions il n’a pas été prévue comme l’eau allait être évacuée jusque dans les vallées ».
Pour lui c’est un problème de moyens financiers : « Evacuer l’eau nécessite beaucoup d’argent, dans les nouveaux projets en cours nous essayons de tout faire pour que l’eau soit évacuée jusque dans la vallée sans rien abimer ». Pour les projets finis, les autorités n’ont pas commencé à étudier le problème. Ils travaillent ensemble avec Water Board et le ministère chargé de l’environnement pour analyser le problème sur toutes les routes et établir le budget nécessaire aux travaux de réparation. » a-t-il raconté à Kigali Today.
Comme nous l’avions vu dans l’article « Rwanda : la face cachée des infrastructures, aussitôt construites aussitôt abîmées », au Rwanda il est interdit de penser et tous les intellectuels à la pensée indépendante ont été assassinés ou vivent aujourd’hui en exil. Il n’est pas alors étonnant que l’on pense à l’évacuation des eaux d’une route après avoir construit la route.
Pourtant les « entrepreneurs » en charge de la construction des routes ne serons poursuivis. Dans l’article nous disions qu’au Rwanda l’on constate, l’on envoie une autorité pour expliquer aux médias et l’on passe à autre chose. David Himbara, un expert en économie, ancien conseiller de Kagame qui vit en exil aujourd’hui et considéré comme « ennemi du pays » a raconté qu’au Rwanda, le P de son PHD (doctorant) était devenu un Problème dans un pays où il est interdit de penser. Pour lui « Paul Kagame ne construit pas le Rwanda, il construit sa fortune ».
Pour un homme, Kagame, qui se dit panafricain, c’est étonnant de le voir confier la construction du pays aux ouvriers chinois alors que plus de la moitié de la population rwandaise est pauvre ! Nous ne sommes pas à un paradoxe près.
Alice Mutikeys