C’est le 26/10/2022 dans la soirée qu’Agnès Nkusi Uwimana a reçu la convocation pour se présenter le lendemain au Bureau Rwandais chargé de l’Investigation (le RIB). Quelques jours auparavant son domicile avait été encerclé. La convocation lui a été remise par un responsable local et le RIB est passé la récupérer après qu’elle l’ait signée.
A la réception de la convocation, la youtubeuse, ex journaliste professionnelle, n’était pas sereine car c’est un fait courant qu’au Rwanda ceux qui sont convoqués par le RIB rentrent rarement à la maison, la convocation étant une antichambre de la prison.
Elle a appelé ses avocats pour l’accompagner, ils ne pouvaient pas le faire car ils avaient un autre procès en cours. Elle a demandé l’aide à d’autres avocats qui lui ont dit qu’elle ne devrait pas avoir peur, qu’elle devait d’abord répondre à la convocation et qu’au besoin ils allaient l’accompagner dans les étapes qui allaient s’en suivre.
Le 27/10/2022, Agnès Nkusi Uwimana s’est présentée au RIB, plus personne n’a semblé avoir de ses nouvelles. Les gens ont commencé à se poser beaucoup de questions : « a-t-elle été emprisonnée ? était-elle chez elle ? était-elle placée à la maison sous contrôle ? ou était-elle enfermée dans une prison connue ou une safe house (des maisons où les gens sont torturés au Rwanda) ?
Certains ont avancé que : « Si elle avait été arrêtée, l’information aurait été rendue public et le RIB aurait sorti un communique comme il le fait parfois pour les autres cas ».
Tout ce questionnement semblait faire abstraction que le RIB se réserve le droit et le pouvoir d’informer ou ne pas le faire les familles, les proches ou le public des personnes qu’il place en détention. Qu’elles soient des citoyens ordinaires ou des personnalités publiques. Personne ne connait la loi ou les directives que le RIB suit pour informer sur une partie de cas et ne pas informer pour les autres cas et ce peu importent si les proches et familles restent dans le désarroi. Dans ce contexte le silence supposé d’Agnès Nkusi a créé la confusion et l’émoi dans les personnes qui la suivent.

Ce lundi 31 octobre 2022, après 5 jours de silence, Nkusi Uwimana est réapparue sur sa chaîne YouTube Umurabyo TV, elle a expliqué qu’elle avait répondu à la convocation du RIB, qu’elle avait eu des soucis avec son téléphone ce qui explique son silence et que le dialogue avec le RIB l’avait conduite à prendre la décision de changer de ligne éditoriale : « Je n’ai pas eu peur d’admettre que j’avais dépassé les limites, lorsque nous commettons les erreurs nous devons l’admettre. Lorsque nous les répétons, nos erreurs finissent par devenir des délits et nous amener devant les tribunaux et en prison », elle a poursuivi en disant que : « Ils m’ont montré que dans les émissions que j’ai faites, je n’étais pas loin de nier et voire justifier le génocide perpétré contre les Tutsi, je propageais les idées de haine et de division au Rwanda. Au fil et à mesure qu’ils montraient ces faits j’ai réalisé que j’avais commencé à dépasser les limites ».
Elle a ajouté que : « Ils m’ont aussi montrée les lois qui régissent tout cela, je pense que je n’étais pas très loin de dépasser la ligne rouge et me retrouver au tribunal en était accusée d’avoir commis de crimes graves ».
Agnès Uwimana Nkusi a pris la décision de changer de ligne éditoriale tout en restant « la voix du peuple – Ijwi rya Rubanda ». Elle dit que dorénavant elle va se concentrer sur des sujets qui ne fâchent pas au Rwanda. Elle a dit avoir demandé spontanément pardon auprès du RIB et qu’elle le demande aussi aux Rwandais en général et en particulier à ceux qui ont été blessés par les propos tenus dans ses émissions.
Uwimana Nkusi Agnès était un ancien journaliste professionnel, elle a remis sa carte de journaliste en septembre 2021 après avoir critiqué le RMC, une institution charger de contrôler les médias. Il est à noter que lorsqu’elle a rendu sa carte de journaliste le RMC n’avait pas de gouvernance, le mandat du comité qui a publié cette information s’étant terminé en 2019.
Le RIB reste un outil de répression chargé de faire taire toute voix qui critique la dictature du FPR, le parti politique de Paul Kagame qui monopolise le pouvoir au Rwanda depuis 1994.
Agnès Nkusi semble dire que personne ne l’a forcée à prendre cette décision pourtant elle dit aussi qu’elle continue de se rendre au RIB pour dialoguer avec eux, elle explique son silence par son téléphone qui avait eu des soucis. Ils sont nombreux avant elle à avoir annoncer admettre des fautes de leur fait et être revenus en arrière en disant qu’ils avaient été forcés à les admettre. Le cas le plus célèbre est le youtubeur Aimable Karasasira, qui a fini par être emprisonné le 31 mai 2021.
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Alice Mutikeys