Article d’opinion
Même les plus grands de ce monde ont leur moment de faiblesse. La France entière garde en mémoire le « cassez-toi pauvre con » de Nicolas Sarkozy et plus récemment « regarde-moi ces connards[1] » d’Emmanuel Macron. On peut désavouer le style, critiquer le fond mais il ne viendra pas à l’esprit des journalistes français de dire que ces deux hommes ne sont pas « civilisés » ou qu’ils obéissent aux règles de la forêt. Ce n’est pas le cas d’un de leur confrère rwandais qui a publié un post sur le réseau social Facebook en s’en prenant aux « activistes et politiques rwandais ».
« Insulter » les hommes politiques rwandais ou critiquer leur action est la forme d’expression qu’a choisie une partie d’activistes ou des opposants rwandais. Avant d’aller plus loin, il convient de préciser que lorsque l’on parle des « insultes » c’est dire que Kagame est un tueur, ne pas mentionner « son excellence » devant Kagame, dire que certains opposants qui ont la bénédiction du parti unique le Front Patriotique Rwandais (le FPR) ne sont là que pour donner l’illusion d’une ouverture de l’espace politique, c’est aussi dire que les Hutu dans le gouvernement du FPR sont là par opportunisme et pour masquer la ségrégation ethnique (hutu de services ou abateruzi b’ibindi) ou dire que le gouvernement et le parlement rwandais sont des décorations car ils sont au service du FPR et non du peuple rwandais…. Parfois la critique peut aller jusqu’aux insultes proprement dites en appelant des femmes des prostituées ou des décorations ou des insultes plus directes et personnelles… Face à cette situation un journaliste rwandais[2] a écrit un message qu’une partie des personnes dont moi-même n’a pas compris : « « L’insulte est l’argument final de celui qui ne trouve plus rien à dire » », c’est triste d’avoir les politiques et les activistes qui font exprès d’insulter le président de la République ou toute autre personne. Ce n’est plus un problème politique ou d’activisme, c’est un problème de la civilisation, la haine et une mauvaise éducation. Il y a une façon conventionnelle de critiquer qui a obtenu un consensus sans utiliser les attaques personnelles. On n’est pas obligé de recourir à l’insulte évoquer un sujet ou pour se faire comprendre. Dans le cas contraire c’est obéir aux règles de la forêt. ». Ce post est l’exemple même que le politiquement correct n’est pas toujours correct ! En effet dire que des personnes obéissent aux règles de la forêt peut être vue comme une façon extrêmement polie de dire que ces personnes sont des sauvages (mon interprétation).

Mon incompréhension ne réside pas dans le fait de critiquer ceux qui utilisent les insultes car c’est son droit comme c’est leur droit de choisir d’utiliser cette forme d’expression et qu’elles récolteront les conséquences de ce choix. Mon incompréhension réside dans le fait de jeter l’opprobre sur un groupe de gens (les activistes et hommes politiques) tout en utilisant une forme d’extrême politesse pour sous-entendre que ce sont des personnes qui ont un problème de civilisation, mal éduquées et qui obéissent aux règles de la forêt.
Si l’objectif visé était de provoquer une prise de conscience sur les insultes, nous en sommes loin car le post a suscité des questionnements légitimes sur la forme d’expression « convenable » pour relater les choses sales proprement. Claudine Mukashema a par exemple ironisé la situation : « il y a des journalistes qui veulent que nous disions « son excellence le Président de la République du Rwanda a convoqué nos parents dans une réunion. Son excellence pouvez-vous nous dire quand est-ce que la réunion se terminera car cela fait 22 ans qu’ils sont toujours en réunion ? ». Madame Mukashema faisait référence aux fameuses convocations aux réunions qui ont été utilisées par le FPR pour tuer poliment les civils innocents. Le père[3] de Claudine Mukashema a été conduit dans une « réunion » le 28 juin 1998 par les soldats de l’APR (Armée Patriotique Rwandais) et sa mère a été tuée par les soldats le jour suivant.

C’est peut-être sur ce point qu’il faut s’attarder. Aujourd’hui nous avons un pouvoir politique au Rwanda dont la fondation sont les crimes de masse qui pourraient être qualifiés de crimes de génocide qu’une partie d’intellectuels veulent faire passer pour un régime normal en occultant cet aspect pour des raisons qui leur sont propres. Là où Paul Kagame a violé la Constitution pour briguer un troisième mandat en volant les élections (élu avec plus de 98% des votes), ces intellectuels préfèrent s’en prendre à ceux qui trouvent que Paul kagame est illégitime ! Ces intellectuels veulent faire taire les rescapés des crimes du FPR et ceux qui lutent pour le respect des droits de l’Homme et les droits fondamentaux au Rwanda en invoquant la politesse ou la morale. Si le prix Nobel de la paix Elie Wiesel a dit en 1986 que « la neutralité aide l’oppresseur, jamais la victime. Le silence encourage le persécuteur, jamais le persécuté », il semblerait que pour ces « intellectuels » le problème n’est pas le FPR qui commet les injustices mais ceux qui ne dénoncent pas poliment ces injustices.
Il y a presqu’un an la ville de Kigali avec l’aval de son excellence Paul Kagame démolissait les maisons d’à peu près 4 000 familles à Kigali pour rendre la ville jolie et surement « polie » aussi. Un an plus tard ces familles pleurent et les enfants ne sont pas scolarisés. Les maisons démolies représentaient 20 ans de sueur et parfois avaient une valeur de plus de 10 millions de francs rwandais (une fortune pour leurs propriétaires).

Permettez-moi d’assumer mon « problème de civilisation » et d’obéir aux règles de la forêt car pense profondément et je suis convaincue que seul un imbécile peut ordonner que l’on ôte la vie d’une personne, que seul un débile profond peut ordonner la démolition sauvage des habitations des citoyens pour rendre la ville belle et propre. Car il faut vraiment être un connard fini pour ne pas valoriser la vie d’une personne ou pour démolir en une journée la maison qu’une personne a mis plus de vingt ans à construire. Néanmoins je continue à penser qu’un Alpha Blondy qui a chanté «tout change tout évolue, seuls les imbéciles ne changent pas, j’insiste, je persiste et je signe les ennemis de l’Afrique ce sont les Africains » est une personne civilisée et un modelé pour l’avenir de l’Afrique.
Quant au politiquement correct, je me permets de partager ces deux citations qui me parlent :
« Plus la planète devient folle, plus on assiste au triomphe du « politiquement correct » ». Tim Burton
« Le politiquement correct est la meilleure chose que l’on ait inventée pour permettre aux imbéciles de l’ouvrir et obliger les gens de bon-sens à la fermer. ». De Pascal Pigeolet .
Alice Mutikeys
[1] https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/regarde-moi-ces-connards-quand-emmanuel-macron-se-lache-devant-sa-tele_458983
[2] C’est qui est important ici n’est pas qui le dit mais c’est qui est dit