Pour tous les Kankindi…

Ces coquilles qui ont servi à faire l’omelette

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, aujourd’hui le 04/07 beaucoup célèbrent, beaucoup fêtent, quant à moi,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, en février 1994, les Impuzamigambi ont massacré une tante, son mari. Ils sont partis en laissant un nouveau-né !

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, un oncle, gendarme à l’époque, a assuré la sécurité de la famille pour qu’elle puisse accéder aux corps et les offrir un dernier accompagnement,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, d’avril à juillet 1994, mon oncle a assuré la sécurité de sa femme, de la famille de sa femme et de tous ses voisins qui étaient menacés.

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, quelque part entre mai et juillet 1994, ma grand-mère, celle qui avait survécu aux assauts d’Interahamwe en avril 1994, était fatiguée et est restée sur le bord de la route,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, le président Paul Kagame a déclaré : « On ne mange pas une omelette sans casser les œufs »,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, ma grand-mère, mon oncle, les autres et beaucoup d’autres Rwandais sont des coquilles qui ont servi à préparer cette omelette.

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, je n’ai pas l’appétit à manger cette omelette,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, pendant que les autres savourent cette omelette, j’erre dans la cour à la recherche des coquilles cassées,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, car même des coquilles vides on peut raconter des belles histoires,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, bon appétit à vous qui le cœur à monter à cette belle table.

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, la douleur de perdre un être cher, un être qui a fait partie de notre vie, ne part jamais, ne s’estompe jamais,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, l’intensité de cette douleur s’amplifie quand la perte des êtres chers est une histoire interdite par la loi du Rwanda.

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, les hommes font la loi, la loi ne fait pas les hommes,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, quand les bons restent indifférents à la douleur des autres,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, on apprend à faire avec, on apprend à fixer ses limites,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, ma limite est de prendre mes distances avec n’importe quel oppresseur. Surtout quand il vient du Rwanda.

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, 25 ans après ceux qui mangent l’omelette ne sont toujours pas rassasiés, on continuer à ramasser des coquilles cassées,

Mon cœur s’apaise, mon cœur cicatrise, quand je lis les pensées d’un homme comme André Sibomana,

Mon cœur pleure, mon cœur saigne, quand je sais qu’il a été privé des soins pour ses positions contre l’oppresseur, une autre coquille.

Mon cœur s’apaise, mon cœur cicatrise, quand je réalise qu’avec très peu des moyens, André Sibomana avait obtenu des petites victoires, qui lui ont inspiré cette phrase : « L’injustice est inacceptable, et la lutte pour contre l’injustice finit toujours par l’emporter ».

Mon cœur est perdu quand je constate qu’en 1996 André Sibomana avait déjà dressé le bilan ce qui manque au Rwanda et que 23ans plus tard, il n’a pas été écouté.

Mon cœur garde l’espoir en s’accrochant à cette pensée d’André Sibomana : « Quand donc les Rwandais vont-ils enfin mourir de vieillesse ? » Tel est mon souhait à présent. Qu’on laisse aux Rwandais le temps de vivre et aux enfants celui d’enterrer leurs parents. De vieillesse ». #The RwandaWeWant.

A toutes les coquilles vides, vos âmes sont là, elles sont nos consolations.
A ma grand-mère Kankindi, on m’a toujours dit que j’étais ta photocopie mais je ne pourrai jamais égalée ta générosité ! Tu me manques beaucoup.
Alice Mutikeys

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s