« Ntago ngo Imana ikwima ngo ikwime byose ». Cette phrase que je vais
essayer de traduire par « Si Dieu te prive de certaines, il ne te privera
pas de tout ».
Cette phrase trône au fond dans ma tête. A chaque fois que je me sens
heureuse (autant dire presque tous les jours) je me la récite ; Est-ce
parce que dès mon jeune enfance, je me suis sentie différente des autres
? A l’écart des autres je me suis tenue pour bien les observer. J’ai su
très tôt que me fondre dans la foule n’était pas fait pour moi. J’aime
les gens individuellement mais leur comportement en groupe m’a toujours
mise mal à l’aise.
Nous naissons et grandissons dans des sociétés qui nous façonnent à
leurs normes. A tel âge on devrait avoir fait ceci ou cela : école, type
de travail, mariage, enfants et le nombre d’enfants….. Tout est
normé.
Pour certains, ces normes peuvent devenir des valeurs ou principes
universels pour provoquant en eux une certaine forme d’intolérance.
C’est avec une agression certaine, une intrusion sans gêne que beaucoup
se permettent de juger la vie des autres. Pour ceux qui se veulent
bienveillants, l’intolérance s’exprimera parfois sous forme de pitié.
Pour en revenir à ma première phrase, je pense juste que Dieu ou
l’univers pour les non croyants ne nous prive pas des choses, au
contraire il nous donne ce que nous pouvons gérer à un instant donné.
Voulant coller aux étiquettes de nos sociétés, nous créons ce sentiment
de privation, oubliant que nous ne sommes pas tous destinés à la même
vie.
Au risque de paraitre prétentieuse, enfant je savais qu’une vie normale
plutôt « normée » n’était pas faite pour moi. J’ai très peu de souvenir de
mon enfance, mais je me revois à 8 ans, 2ème année primaire, dans la
cour de récréation observant tous les autres en train de jouer, je
n’avais qu’une envie ne pas me mêler à eux, non pas parce que je ne les
aimais pas, mais juste parce que leur comportement me semblait bizarre.
Avec du recul, c’est moi qui devait semblait bizarre et tous les autres
normaux. Aujourd’hui encore, toutes les cases me semblent étroites et
toutes les tentatives que j’ai faites pour être « normale » se sont
soldées par des échecs ou plutôt un sentiment d’être étouffée. Sentir
mon moi intérieur se consommer et mourir à petite dose. A chaque fois,
j’ai fini par comprendre qu’être moi et uniquement moi-même pouvait me
libérer. Ce qui compte n’est pas d’entrer dans une case, mais surtout
trouver sa propre case, celle qui nous convient. Pour certains aucune
case n’a la forme ni la taille qui peuvent les contenir. Pour ceux-là et
je pense que j’en fais partie, nous sommes condamnés à créer, inventer
nos propres cases.
Je ne suis pas une sainte et loin de là, Il m’arrive et m’est arrivée de
vouloir rentrer les gens dans des cases, ou juger la vie des autres.
Depuis quelque temps, c’est un trait de caractère que j’essaye de
gommer. Dorénavant j’essaye de me tenir éloigner des ragots, je pose
très peu des questions sur la vie des autres car j’ai compris qu’une vie
humaine est très complexe.
Se débarrasser du poids du regard et de jugements des autres procure
beaucoup de liberté. On peut voler, rêver sa vie, l’explorer sur tous
les angles.
Selon Nietzsche « La morale traditionnelle a été inventée par les
faibles pour culpabiliser les forts ». Je comprends tout à fait cette
pensée de Nietzsche, à vouloir normé les gens on étouffe les pensées
originales. Les plus grandes inventions sont faites d’ailleurs dans des
pays où on prône la liberté d’expression. Même si bien sûr il est
nécessaire que chacun ait une dose d’éthique pour éviter la dérivée, et
pour ce faire on n’a besoin d’un peu de morale pour définir l’éthique.
Oui dans la vie, il y a beaucoup de paradoxes. Bref je m’éloigne de mon
sujet de base … Ma conviction est que Dieu ou l’univers donne et ne
prive pas. Pourquoi j’ai écrit tout cela ?
C’est juste que étant idéaliste, je rêve d’un monde où la tolérance
règne. D’ailleurs au mot « tolérance », je préfère la traduction
anglaise « to be open minded » la traduction m’a l’air plus explicite et
plus proche de ma pensée.
Soyons ouverts aux autres, à ceux qui ne pensent pas comme nous. D’eux
nous apprenons que nos pensées ne sont pas universelles, au mieux ils
nous font voir le monde autrement et au mieux encore ils renforcent nos
convictions.
Acceptons les désaccords ou plutôt mettons nous d’accords avec les
autres sur nos désaccords mutuels au lieu de vouloir les changer.
Prenons en compte que ce qui fait notre bonheur, notre malheur n’est pas
ce qui fait le bonheur ou le malheur de l’autre. En une phrase
acceptons les autres tels qu’ils sont. Et s’ils sont trop différents de
nous il est préférable de s’en éloigner que de vouloir les changer.
Enfin soyons exigeants avec nous même, nous comptons et notre vie
compte. Acceptons de faire les changements que quand ils viennent de
notre profond moi. Définissons nos standard, les limites de ce que nous
pouvons accepter des autres ou non. Dans le long parcours qu’est la vie,
mieux vaut perdre quelques amis, connaissances ou autres sur la route
et avancer sereinement. Nous ne savons jamais qui nous attend au
prochain croisement.
Pour ceux qui auront eu le courage de me lire jusqu’au bout, je vous
dédie cette pensée d’Epictète (a fin je crois) : » Le sage est libre et
heureux, indifférent à ce qui peut lui arriver (y compris l’injustice).
Alice Mutikeys