Rwanda : le risque d’une bulle immobilière, le cas du marché de Nyamagabe

Dans un article publié par Kigali Today[1]le 06 décembre 2020, les commerçants qui louent leur espace de vente dans le marché de Nyamagabe se plaignent du prix du loyer inaccessible et certains ont commencé à déserter le marché. Avec un coût d’investissement annoncé de 1,3 million d’euros, ce marché dont la construction avait débuter en 2014 , a été inauguré au mois de juin 2020, après l’intervention de Paul Kagame lui-même en février 2019 pour que la construction soit achevée.

« Le coût du loyer est supérieur au chiffre d’affaires, le fait de vendre à perte conduit une partie des commerçants à partir ailleurs », ce témoignage d’un commerçant annonce la probable faillite du marché de Nyamagabe, inauguré il y a à peine 6 mois.

Le marché de Nyamagabe

Les travaux de terrassement ont débuté en 2014 et c’est le 25 avril 2015[2] que les autorités locales ont posé la première pierre et annoncé que la construction du marché sera achevée sous un délai de 20 mois. En 2016, l’inauguration tant attendue n’a pas eu lieu et il a fallu que les citoyens s’en plaignent en 2019 au Président Paul Kagame, lorsqu’il avait encore l’énergie de faire le tour du Rwanda.

En effet, en 2019, la construction du marché était à l’arrêt mais des espaces étaient mis à la disposition des commerçants. Ils déploraient alors le travail sous la pluie en période pluvieuse et sous la poussière l’été. Paul Kagame avait alors déclaré qu’il avait du mal à comprendre le statut quo pendant plusieurs années suite au souci dans la construction du marché. Il renvoyait la faute aux autorités qui ne suivaient pas l’évolution du problème : « on ne peut pas construire et laisser à l’abandon un marché alors que l’on a dépensé une part de l’investissement. Le marché doit être terminé ou fermé définitivement ; on ne peut pas rester au milieu. Nous devons achever la construction ou accepter que nous ayons échoué et passer à autre chose. Mais je pense que c’est possible de résoudre les problèmes[3] [à la base de la suspension de la construction] ».

Pendant plusieurs mois, le marché est resté avec les échafaudages apparents

Pour les autorités locales, la suspension de la construction était liée au manque des fonds qui devaient provenir de la Banque du Développement du Rwanda (BRD[4]), et après le discours de Kagame, ces fonds avaient été débloqués. Le montant total que le Rwanda a déboursé pour construire le marché n’est pas publié mais une chose est certaine, la construction du marché a été achevée avec 4 ans de retard et ce retard a dû générer un coût.

Les problèmes du marché ne sont pas terminés car aujourd’hui ce sont les coûts du loyer des espaces commerciaux qui font fuir les commerçants. Evaritse Habimana, vendeur de vêtements, indique que le loyer mensuel de 167€ qu’il doit acquitter est très élevé et qu’il ira ailleurs à la fin de la période de trois mois des loyers qu’il a déjà avancés, s’il n’y a pas de changement sur les prix. Il explique aussi qu’en plus du loyer, il doit aussi payer les taxes, nourrir sa famille et payer les frais de scolarité de son enfant. Pour un autre commerçant, qui paye 140€ de loyer, les exploitant devraient négocier avec la banque pour baisser les remboursements et augmenter la durée d’endettement. Cela permettra de baisser les loyers car « pour l’instant c’est au-dessus de nos moyens, nous vendons à perte ».

Du coté des étals des fruits et légumes, loués 10€ au mois, la somme est aussi au-dessus de leurs moyens car ils n’ont pas de clients. De ce fait, beaucoup de commerçants qui avaient loué les parcelles ont fini par partir : « Tu prends une dette dans une coopérative et tu viens vendre ici à perte. Les loyers ici sont très élevés, on pourrait s’en sortir si on nous demande un loyer de 4 à 5€ comme à Huye ; 10€ c’est beaucoup alors que les clients y sont moins nombreux » a raconté à Kigali Today Clementine Bazubagira. Elle a jouté que : « Le coût du loyer est au-dessus du chiffre d’affaires, le fait de vendre à perte a conduit une partie des commerçants à partir ailleurs ». 

Comme on peut le voir sur la photo, les loyers ont déjà fait fuir une partie de vendeurs.

Bonaventure Uwamahoro, responsable du district de Nyamagabe a indiqué à Kigali Today que les prix actuels ont déjà été revus à la baisse après des négociations. En sa qualité de représentant des citoyens et aussi en sa qualité d’actionnaire du marché (84 000€ investis), le district va encourager la négociation sur les loyers pour qu’ils soient acceptables par les deux parties.

Sur la base des salaires renseignés par les internautes qui vivent au Rwanda, que l’on peut penser appartenir à une classe aisée, le salaire mensuel moyen au Rwanda est de 272€. On peut comprendre pourquoi un loyer mensuel de 167€ n’est pas raisonnable au Rwanda. Le Rwanda continue sa course à la construction avec des nombreux projets annoncés cette année, malgré l’appauvrissement général de la population et la baisse du nombre des touristes suite à la pandémie covid-19. Investissez au Rwanda à vos risques et périls (vous pourrez vous retrouver en prison), ayez néanmoins conscience de la bulle immobilière sur laquelle est assisse le Rwanda.

Alice Mutikeys


[1] https://www.kigalitoday.com/amakuru/amakuru-mu-rwanda/article/abacururiza-mu-isoko-rya-nyamagabe-binubira-ibiciro-by-ubukode-bihanitse

[2] https://nyamagabe.gov.rw/index.php?id=38&tx_news_pi1%5Bnews%5D=668&tx_news_pi1%5Bcontroller%5D=News&tx_news_pi1%5Baction%5D=detail&cHash=b2715bf00d479dde9b4533861abc26d0

[3] https://mobile.igihe.com/amakuru/u-rwanda/article/isoko-rya-nyamagabe-ryari-ryaradindiye-rigeze-he-ryubakwa

[4] https://igihe.com/amakuru/u-rwanda/article/isoko-rya-kijyambere-rya-nyamagabe-ryuzuye-nyuma-y-imyaka-itandatu-ryaradindiye

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