Au Rwanda de Kagame : ils tuent vos parents et vous mettez en prison pour en avoir parlé!

Article original publié en anglais.

Par Claude Gatebuke

Dire la vérité sur la répression et les atrocités commises par le régime de Paul Kagame au Rwanda est considéré comme une infraction pénale. Dire la vérité est criminalisé. Le gouvernement de Kagame, qui utilise la violence physique, la torture, les assassinats et les disparitions forcées pour faire taire les voix indépendantes, est passé maître dans l’art d’inventer des accusations en utilisant des lois mal conçues pour exercer sa répression. Dans des cas très médiatisés, tels que ceux de Victoire Ingabire, Diane Rwigara et Fred Barafinda, les candidats qui ont osé défier Kagame, il a eu de  condamnation à de longues peines de prison et/ou à des détentions arbitraires.

Pour préparer les individus à l’arrestation, la torture, la disparition ou l’assassinat, le gouvernement rwandais utilise ses journaux de propagande ainsi que des membres individuels du gouvernement ou du parti au pouvoir, qui mènent des campagnes de diffamation pour diaboliser les individus ciblés. Ensuite, des accusations sont formulées, les détracteurs sont arrêtés, des procès fictifs sont organisés et de longues détentions ou des peines de prison sont purgées. Dans des cas plus alarmants, après la campagne de diffamation menée par les membres du parti au pouvoir et les membres du gouvernement, les personnes ciblées disparaissent, et on ne les revoit plus jamais.

Le professeur Aimable Karasira

Dire la vérité sur la répression commise par le gouvernement du Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir a coûté cher, même aux journalistes. Uwimana Agnes Nkusi et Saidath Mukakibibi ont été condamnés respectivement à sept et quatre ans de prison pour avoir critiqué Kagame. Un autre journaliste, Cyuma Hassan, a été maintenu en détention provisoire pendant près d’un an pour avoir dénoncé la destruction par le gouvernement du FPR des maisons des pauvres au début de la pandémie de coronavirus. Même les chanteurs de gospel ne sont pas épargnés. Kizito Mihigo, un chanteur de gospel populaire, a été assassiné dans une cellule de police en février 2020. Kizito avait auparavant purgé quatre ans de prison pour avoir chanté une chanson dénonçant les meurtres commis par le FPR. Kagame l’a pris si personnellement qu’il a attaqué verbalement Kizito Mihigo dans un discours peu après la sortie de la chanson. Maintenant, le gouvernement s’en prend à un autre chanteur, Aimable Karasira, pour ses expressions sur YouTube et sa musique. La liberté d’expression étant entravée dans le pays, les Rwandais se sont tournés vers YouTube pour s’exprimer librement. En retour, le gouvernement a dirigé sa colère contre les YouTubeurs. Quelques mois avant l’arrestation de Karasira, un autre YouTubeur au franc-parler qui critiquait le régime, Idamange Iryamugwiza Yvonne, a également été arrêté et est en détention provisoire depuis trois mois.

Aimable Karasira est un chanteur populaire et un extraordinaire porte-parole du Rwandais moyen. La chaîne YouTube de Karasira est l’une des plus populaires parmi les Rwandais du pays et de l’étranger. Il a été arrêté le 31 mai 2021 par le Bureau d’enquête du Rwanda et accusé de négation du génocide, de justification du génocide et de divisionnisme.

Karasira a fait l’objet d’une surveillance, d’une pression et d’un harcèlement constants, similaires à ceux qui ont précédé les arrestations de Kizito Mihigo, Victoire Ingabire et Diane Rwigara. Comme Kizito Mihigo, Aimable Karasira est un survivant du génocide au Rwanda en 1994. Karasira a parlé ouvertement de sa survie à ce génocide et aussi du fait qu’après avoir survécu, ses parents et sa sœur ont été tués par le FPR. Le FPR, au pouvoir depuis 1994, est responsable de la mort de millions de personnes au Rwanda et au Congo. Les membres du FPR et les agents de sécurité rwandais se livrent également à des assassinats, des enlèvements, des séquestrations et d’autres activités illégales à l’étranger. En fait, les membres officiels du FPR prêtent un serment qui stipule : « Si je trahis ou si je m’écarte des plans et des intentions du FPR, j’aurais trahi tous les Rwandais et je devrais être puni par la pendaison » ; ils jurent également de combattre « les ennemis du Rwanda, où qu’ils se trouvent ». Un reportage récent de la BBC fait état d’une telle cérémonie de prestation de serment qui se déroulait au Royaume-Uni.

Les membres du FPR, principalement des militaires mais aussi des civils, participent aux attaques contre ceux qui s’expriment contre le FPR et le régime à l’intérieur du Rwanda et à l’étranger. Le FPR compte également des membres non officiels : ceux qui n’ont pas prêté serment mais qui servent à divers titres, notamment la surveillance à l’intérieur et à l’extérieur du pays, l’infiltration, les campagnes de dénigrement, la diabolisation des critiques, le blanchiment des crimes du FPR et le harcèlement des Rwandais dans le monde entier. L’un des groupes les plus connus qui sert le FPR à ce titre est IBUKA, une organisation censée représenter les intérêts des survivants du génocide des Tutsis. Cependant, en réalité, il s’agit d’un groupe qui propage la haine qui agit comme une branche du gouvernement. En fait, les Tutsis tels que Karasira, Kizito, Idamange et d’innombrables autres qui rejettent la répression, les crimes et l’incitation à la haine du FPR se distancient ouvertement d’IBUKA. En retour, IBUKA est l’une des institutions qui harcèlent constamment ces survivants au lieu de servir son objectif de les soutenir ; les membres d’IBUKA harcèlent également tout autre Rwandais qui refuse de participer à la complicité silencieuse des crimes du FPR.

Depuis 2019, Karasira faisait l’objet d’un harcèlement constant de la part d’autorités haut placées au Rwanda ainsi que de membres haut placés du FPR, le dénigrement étant un principal outil de harcèlement du FPR. C’est généralement un présage des choses à venir en termes de disparition, de détention illégale ou d’accusations fabriquées de toutes pièces contre l’individu ciblé, Karasira en l’occurrence. J’ai mis en garde contre ce plan à de multiples reprises en 2020 sur diverses plateformes, notamment dans un article sur BlackStarNews. En fait, l’intensification de cette campagne de dénigrement avait déjà donné des résultats avant son arrestation : il a été licencié en tant que professeur d’université à l’automne 2020 pour des déclarations faites sur ses comptes de médias sociaux. Les figures de proue de la campagne de diffamation contre Karasira sont le fonctionnaire Edouard Bamporiki et le membre du FPR Tom Ndahiro, deux individus notoirement connus pour propager la haine à l’intérieur et à l’extérieur du Rwanda.

Karasira et Idamange : les deux ont survécu au génocide au Rwanda en 1994, ils témoignant ouvertement et le FPR les accuse de nier ce génocide!

L’accusation portée contre Karasira selon laquelle il nie le génocide de 1994, un crime au Rwanda, ne tient pas la route puisqu’il témoigne ouvertement d’avoir survécu à ce même génocide. Ce n’est que dans la logique des officiels rwandais qu’une personne nie la même chose que celle à laquelle elle témoigne avoir survécu. C’est un non-sens total. Idamange, un autre survivant du génocide, fait face à des accusations similaires. Le « crime » non déclaré qu’il a commis est qu’il parle ouvertement des membres de sa famille qui ont été tués par le FPR ainsi que d’autres atrocités commises par le FPR au Rwanda et au Congo. De même, Idamange est accusée de nier le génocide parce qu’elle refuse de se taire alors que le régime exploite le génocide auquel elle a survécu comme outil de répression sur les Rwandais et de chantage sur la communauté internationale.

Dans un article précédent, j’ai écrit que « Aimable Karasira risque de perdre sa liberté à cause de la chasse aux sorcières du gouvernement rwandais contre ceux qui ne sont pas d’accord avec ses pratiques. » Les cas du héros du film « Hôtel Rwanda » Paul Rusesabagina, enlevé à Dubaï en août 2020, emmené au Rwanda, torturé et soumis à de fausses accusations, ainsi que ceux d’Aimable Karasira, Kizito Mihigo, Idamange, Diane Rwigara et Victoire Ingabire ne sont qu’une petite représentation des milliers de victimes des violations flagrantes des droits de l’homme, des droits civils et de la liberté des dissidents pacifiques et respectueux des lois commises par ce régime.

Les cas mentionnés ci-dessus, parmi des milliers d’autres, doivent être pris au sérieux par les bailleurs de fonds du Rwanda. Les nations donatrices doivent exiger la libération immédiate de ceux d’entre eux qui sont toujours emprisonnés ou en détention, comme Aimable Karasira et Idamange. En particulier, les donateurs tels que le gouvernement néerlandais qui se concentrent sur le système judiciaire rwandais doivent agir immédiatement ou cesser de financer ce système qui perpétue les injustices.

Le Rwanda reçoit une aide étrangère de nations occidentales telles que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Union européenne. Les nations donatrices doivent cesser de fournir de l’aide au Rwanda jusqu’à ce que ces pratiques horribles de meurtre, d’enlèvement, de torture et d’assassinat de personnes à l’intérieur et à l’extérieur du Rwanda cessent. Le monde entier doit élever la voix contre Paul Kagame et ses escadrons de la mort dans le monde, ainsi que contre sa répression à l’intérieur du Rwanda. Partager cet article et demander la libération d’Aimable Karasira et d’Idamange sont des mesures que les individus peuvent prendre pour aider aujourd’hui en faisant la lumière sur ces atrocités.

Claude Gatebuke

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