Sept ans après sa libération « diplomatique » qui avait servi la candidature de Louise Mushikiwabo à la tête de l’OIF, l’opposante rwandaise Victoire Ingabire est de nouveau emprisonnée. La France et la Francophonie gardent le silence face à cette détention jugée arbitraire.
Sept ans après sa libération surprise en septembre 2018, qui avait coïncidé avec l’ascension de Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’opposante rwandaise Victoire Ingabire est de nouveau derrière les barreaux.
Son arrestation, dans la nuit du 19 au 20 juin 2025, rappelle à Emmanuel Macron une réalité que la diplomatie française préfère ignorer : au Rwanda, la répression politique n’a jamais cessé. Les gestes d’ouverture de 2018 n’étaient qu’un leurre diplomatique.
Une détention jugée « prévisible » par sa défense
Le 7 août 2025, la Cour intermédiaire de Nyarugenge a confirmé le maintien en détention provisoire de Victoire Ingabire, arrêtée dans un dossier lié au procès de huit membres de son parti DALFA-Umurinzi et d’un journaliste, détenus injustement depuis 2021 (RFI, 07/08/2025).
Ces neuf personnes sont poursuivies pour avoir participé à une formation en ligne inspirée de l’ouvrage Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit et sans armes, qui détaille des techniques de mobilisation non violentes.
Pour le parquet rwandais, ces discussions constitueraient une « conspiration en vue d’inciter à l’insurrection ». Pour ses avocats, il s’agit d’accusations infondées et d’une « détention aussi dénuée de fondement que prévisible » (RFI, 19/07/2025).

Selon l’ACAT, les conditions de son arrestation illustrent « des violations flagrantes de procédure » : convocation irrégulière, arrestation nocturne sans mandat, perquisition illégale. L’ONG y voit « une tentative manifeste d’empêcher son retour sur la scène politique » à quelques mois de la fin officielle de sa condamnation initiale, prévue pour octobre 2025.
2018 : une libération au service de la diplomatie rwandaise
En 2018, Victoire Ingabire et le chanteur Kizito Mihigo avaient été libérés par grâce présidentielle. Officiellement, Kigali assurait qu’il s’agissait de l’aboutissement d’une procédure administrative.
Mais le calendrier posait question : à un mois du sommet de la Francophonie à Erevan, le Rwanda espérait faire élire Louise Mushikiwabo au poste de secrétaire générale de l’OIF (RFI, 16/09/2018).
Pour l’historien André Guichaoua, cette libération relevait d’une « décision sur mesure » destinée à « séduire les récalcitrants » à cette candidature. Ce geste servait donc avant tout à polir l’image d’un régime autoritaire.
Mushikiwabo toujours en poste, la France toujours muette
Sept ans plus tard, Louise Mushikiwabo dirige toujours l’OIF, tandis que l’une des figures les plus emblématiques de l’opposition rwandaise croupit à nouveau en prison.
En 2018 déjà, quatre anciens ministres français de la Coopération dénonçaient dans Le Monde le soutien d’Emmanuel Macron à la candidature rwandaise, rappelant que Kigali avait interdit le français et rejoint le Commonwealth, et que ce pays ne pouvait pas incarner « l’aspiration démocratique inscrite dans la déclaration de Bamako ».
Aujourd’hui, alors que la justice rwandaise bafoue ouvertement les droits fondamentaux de Victoire Ingabire, Paris et la Francophonie se taisent. Ce silence vaut caution.

Un soutien diplomatique assumé
Depuis 2017, Kagame a multiplié les visites officielles à Paris, accueilli avec les honneurs, y compris le 8 mai 2025. Selon Mediapart, après cette rencontre, Kagame a assisté au match PSG-Arsenal en demi-finale de Ligue des champions, dans le cadre du partenariat « Visit Rwanda », sponsor des deux clubs.
Ces images et ces visites disent tout : pendant que des opposants pacifiques sont emprisonnés à Kigali, leur bourreau est reçu en ami à Paris.
Une contradiction qui entache la Francophonie
La répression au Rwanda ne surprend plus. Mais elle met en lumière une contradiction flagrante : comment l’OIF, censée défendre la démocratie, peut-elle rester dirigée par une personnalité qui sert de vitrine à un régime autoritaire ?
Et comment la France, membre clé de cette organisation, peut-elle justifier son mutisme face à l’emprisonnement arbitraire d’une opposante dont la libération passée avait servi ses intérêts diplomatiques ?
L’histoire retiendra ce silence, et avec lui, la complicité passive d’Emmanuel Macron face aux violations massives des droits humains au Rwanda.
Alice Mutikeys @Mutikeys sur X
L’immortel Senghor l’a bien dit : « Oui Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques. » (Hosties noires).
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