Le concert caritatif « Solidarité Congo », prévu le 7 avril à Paris est en train de provoquer une controverse qui dépasse largement les enjeux humanitaires. La date choisie, qui coïncide avec la journée de commémoration du génocide au Rwanda en 1994, et la participation d’artistes comme Gims ont provoqué l’indignation des autorités rwandaises et de certaines associations de rescapés. Si le Rwanda a toute légitimité à commémorer ses victimes, il est inacceptable que la France, pays des libertés, se laisse influencer par la pression politique d’un régime autoritaire.
Un acte humanitaire, pas une provocation
Le 7 avril est la journée de commémoration du génocide rwandais. Pourtant, le concert « Solidarité Congo » ne doit pas être perçu comme une atteinte à cette mémoire. Au contraire, il s’agit d’un acte de solidarité envers les enfants victimes du conflit en République Démocratique du Congo (RDC). Tandis que des souffrances humaines perdurent dans l’Est du Congo, la collecte de fonds pour soutenir les victimes, notamment les enfants, répond à une urgence humanitaire impérieuse. En accueillant cet événement, la France donne l’exemple de la solidarité internationale, choisissant de répondre à la souffrance actuelle sans négliger le passé. Ce geste est noble et dépasse les querelles politiques ; il mérite d’être soutenu sans réserve.


L’instrumentalisation de la mémoire du génocide et la pression sur la France
Les autorités rwandaises se sont vivement opposées à l’événement, invoquant non seulement la date choisie, mais aussi la présence d’artistes comme Gims ou Youssoupha. Ces artistes sont mal vus par Kigali car ils dénoncent les massacres perpétrés par le FPR à l’Est de la RDC, ainsi que la politique impérialiste du pouvoir de Kigali. La réaction de Kigali va bien au-delà de l’événement en question. Le régime de Kigali cherche à contrôler la manière dont le monde perçoit la mémoire du génocide et à imposer une version de l’histoire qui sert ses propres intérêts politiques. Le régime de Paul Kagame utilise cette mémoire pour étouffer toute voix dissidente, et les conséquences en sont tragiques.
Rappelons-nous que les rescapés du génocide qui ne respectent pas la narration officielle risquent leur vie. Ils sont assassinés, emprisonnés de manière illégale ou portés disparus. C’est le cas de Kizito Mihigo, assassiné pour avoir milité pour la mémoire de toutes les victimes, y compris des Hutus massacrés par le FPR. Il y a aussi Phocas Ndayizera, emprisonné pour avoir prôné l’éradication de la haine entre Hutus et Tutsis. Et Gérard Niyomugabo, compagnon de lutte de Ndayizera, est porté disparu depuis 2014. Ces exemples démontrent qu’au Rwanda, le régime ne tolère aucune voix qui remet en question sa version des faits et qu’il n’hésite pas à s’en prendre à la vie des rescapés du génocide. Lire Rwanda : Abaryankuna, la résistance en marche.



La France : Ne pas céder à la pression d’un régime autoritaire
La France, en tant que pays des droits de l’homme, ne peut pas céder à cette pression extérieure, surtout lorsqu’elle provient d’une dictature sanguinaire. Bien que le génocide de 1994 soit un événement tragique nécessitant une mémoire partagée et respectueuse, il ne doit en aucun cas être instrumentalisé pour contrôler la liberté d’expression ou interdire des initiatives qui ne s’alignent pas avec la vision officielle du régime.
La liberté d’expression : un principe fondamental
La liberté d’expression est un pilier fondamental de toute démocratie. En tant que pays ayant donné naissance aux idéaux des droits de l’homme, la France a une responsabilité particulière de défendre ce principe. Même si certains propos ou artistes suscitent la controverse, il est impératif de comprendre que la liberté d’expression ne doit pas être une valeur à géométrie variable. Si la France accepte que des pressions extérieures régulent ce qui peut ou non être dit, chanté ou montré, elle mettrait en péril l’un de ses principes les plus chers. Dans le cadre de ce concert, même si certains artistes ont des opinions controversées, la question primordiale reste celle de leur liberté d’expression artistique. La musique, les paroles et l’art doivent pouvoir exister sans crainte de censure, tant qu’ils ne menacent pas la sécurité ou l’intégrité d’autrui.

Un précédent dangereux
Accepter cette pression, c’est ouvrir une brèche. Si la France, championne de la liberté d’expression, se soumet aux exigences du Rwanda, cela enverrait un message inquiétant à la communauté internationale. D’autres régimes autoritaires pourraient utiliser ce précédent pour imposer des diktats similaires, en dictant des choix de mémoire ou en contrôlant la scène artistique internationale. Cela reviendrait à affaiblir l’un des principes les plus chers à la République française : la capacité à dialoguer et à exprimer des opinions divergentes sans craindre la répression. En soutenant ce concert, la France aurait l’opportunité de réaffirmer son rôle de leader dans la défense de la liberté d’expression à l’échelle mondiale.
Pourquoi s’en prendre à un concert en particulier ?
Le 7 avril 2025, à Paris, se dérouleront 16 concerts et 66 spectacles. Pourquoi cibler spécifiquement cet événement ? Pourquoi une telle animosité envers un seul concert, alors que des événements similaires se dérouleront tout au long de la même journée ? La réponse à cette question réside dans l’instrumentalisation politique de l’événement. Ce concert est devenu une cible privilégiée en raison de sa dimension internationale et de la présence d’artistes critiques vis-à-vis du régime rwandais. C’est précisément cette focalisation sur un seul événement qui illustre la tentative du régime rwandais de contrôler le discours international et de museler la liberté d’expression.
Alice Mutikeys
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