Alors que le Rwanda est salué comme un modèle de développement sur la scène internationale, dans les collines de Gicumbi, des familles vivent une autre réalité : la faim, la peur et la fatigue.
Le 12 juillet 2025, un reportage diffusé par TV1 Rwanda a mis en lumière la détresse des habitants du village de Taba. Voici leurs voix.
12 juillet 2025 : une vérité dévoilée sur TV1 Rwanda
Un reportage diffusé ce 12 juillet 2025 sur TV1 Rwanda a dévoilé une facette souvent occultée de la réalité rwandaise.
Dans le village de Taba, dans le district de Gicumbi (Province Nord), les habitants témoignent d’une famine sévère qui les pousse à bout.
Ils ne parlent pas seulement de « manque » ou de « besoins alimentaires ».
Ils parlent de « Kinga Metarike duhurire ku mufungo » – une expression inventée dans la douleur, pour nommer l’indicible.
“Kinga Metarike” — Le nom d’une faim collective
« Nous appelons cette famine ‘Kinga Metarike’ pour exprimer l’extrême douleur que cause la faim. On a tellement faim, et on nous demande si l’on est malade, alors que c’est juste… la faim. »
— Témoignage d’une mère de famille.
Littéralement, « Kinga Metarike duhurire ku mufungo » se traduit par :
“Ferme ta porte métallique, retrouvons-nous au mufungo.”
Le mufungo, c’est ce petit marché informel où l’on vend en toutes petites quantités : un quart de riz, cinq pommes de terre, une cuillerée de farine.
Quand on ne peut plus stocker chez soi, on survit au mufungo.
Même les fonctionnaires ou les enseignants, autrefois épargnés, y ont recours aujourd’hui :
« Avant, ceux qui avaient un salaire pouvaient acheter un sac de riz ou de maïs. Aujourd’hui, ils craignent les cambriolages. Ils ne stockent plus. Eux aussi ferment leurs portes métalliques, et achètent comme nous au mufungo. »
— Habitante de Taba.

Des intempéries meurtrières… et un silence glaçant
Les pluies et la grêle ont tout détruit :
- Haricots pourris avant la floraison
- Pommes de terre arrachées, non récoltées
- Maïs asphyxié dans la boue
Un agriculteur local nous a confirmé ce que racontent les habitants de Taba. Il nous a écrit :
« L’école est là, les routes sont là. Mais dans nos champs, il n’y a plus rien. Et pourtant, on nous dit que notre pays est développé. » Cette situation dramatique est aggravée par l’explosion des prix. Les familles ne peuvent plus acheter les produits de base.
Même les enfants le ressentent. «Les enfants se plaignent de ce qu’ils reçoivent à manger à l’école. Nous leur disons : contentez-vous de ce petit rien, parce qu’à la maison, il n’y a rien. » — Mère de famille.
La ligne de fracture : un pays à deux vitesses
Un autre témoignage glaçant, celui d’une vieille femme : « Je n’ai rien mangé ce matin. Depuis l’aube, je suis allée mendier. »
Cette détresse n’est pas isolée. Elle expose un gouffre grandissant entre l’image de modernité que le Rwanda projette, et la souffrance silencieuse des campagnes. Pendant que Kigali construit, investit et rayonne, les mille collines du Rwanda se vident de leur dignité.
Le masque de la propagande : « le Singapour de l’Afrique » ?
Le Rwanda est salué à l’international comme un modèle de stabilité et d’efficacité. On parle de « miracle économique », de « Singapour africain », d’ »émergence ».
- Mais à quoi bon des buildings si les ventres sont vides ?
- À quoi sert la propreté des rues si les enfants marchent vers l’école le ventre creux ?

Comment parler de croissance alors que des familles achètent trois patates au marché pour nourrir six personnes ?
Ce que cache l’émergence : une question de justice sociale
Il ne s’agit pas de nier les progrès. Il s’agit de regarder aussi ceux qu’on laisse derrière.
- Ceux qui, à Taba, ferment leur porte en métal non pas pour protéger leur richesse, mais pour cacher leur pauvreté.
- Ceux qui portent l’étiquette “paysan” comme une condamnation à la misère.
- Ceux qui n’entrent jamais dans les statistiques de la Banque mondiale.
Ma plume pour porter leurs voix
En tant qu’activiste, je crois que notre devoir est clair :
- Faire entendre ceux qu’on veut faire taire.
- Porter les voix que le système écrase.
- Raconter ce que la propagande veut cacher.
À Taba, les habitants ne demandent ni miracle, ni luxe. Ils demandent : un repas. Une dignité. Une politique qui les voit, qui les compte, qui les respecte.
Alice Mutikeys