Rwanda : Quand les citoyens paient le prix des guerres et des ambitions diplomatiques

Longtemps présenté – à tort – comme un modèle de stabilité et de croissance en Afrique, le Rwanda traverse une période sombre, marquée par des décisions politiques contestées et une fiscalité écrasante pour les citoyens ordinaires. Alors que Kigali poursuit ses ambitions régionales, notamment par son implication militaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les conséquences économiques de ces choix sont désormais palpables — et ce sont les Rwandais les plus vulnérables qui en font les frais.

Sanctions internationales et réponse brutale du gouvernement

Suite à son engagement dans le conflit congolais, le Rwanda a subi plusieurs vagues de sanctions de la part de la communauté internationale. Résultat : une chute significative de l’aide budgétaire étrangère, autrefois essentielle au financement de l’État. Mais plutôt que de revoir ses priorités ou de faire contribuer les grandes entreprises proches du pouvoir, le gouvernement a préféré faire porter le poids de la crise aux citoyens, déjà fragilisés par un coût de la vie élevé — désormais en augmentation constante.

Une pluie de taxes sur une population appauvrie

Depuis 2024, une série de 14 nouvelles taxes a été instaurée ou alourdie. Elles visent des produits et services essentiels : carburant, alimentation, téléphonie, cosmétiques, boissons, hébergement, jeux de hasard, etc. Même les véhicules particuliers doivent désormais s’acquitter d’une taxe annuelle. Parallèlement, les tarifs des appels téléphoniques ont augmenté, tout comme les prix des produits technologiques autrefois exonérés. Objectif du gouvernement : collecter plus de 300 milliards de francs rwandais — soit environ 217 millions d’euros — d’ici 2029.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Quelques exemples suffisent à illustrer la brutalité de ces mesures : une voiture de type berline ou jeep est désormais soumise à une taxe annuelle de 50 000 FRW (~31€), un pick-up à 100 000 FRW (~62€), et un camion entre 120 000 et 150 000 FRW (entre 75€ et 95€) selon la taille (à noter que le revenu annuel moyen au Rwanda est de 916 euros[1]). La taxe sur le carburant a été relevée à 15 % du prix à l’importation, et celle dédiée aux réserves stratégiques est passée de 32,73 à 50 FRW par litre. Les produits cosmétiques et de beauté sont désormais taxés à 15 %, tandis que la TVA sur les téléphones est passée de 10 % à 15 % en trois ans. Même les jeux de hasard voient leur fiscalité exploser : la taxe sur les entreprises du secteur est passée de 13 % à 40 %, et celle sur les gains des joueurs de 15 % à 25 %. Seule exception ? Les entreprises publiques, comme Lotto, qui en sont exemptées.

Le contraste est saisissant : tandis que les petits commerces et les ménages suffoquent sous la pression fiscale, les géants économiques liés au parti au pouvoir (le FPR de Paul Kagame) bénéficient d’un traitement de faveur. Des entreprises comme Crystal Ventures — bras économique du régime — échappent largement à l’impôt, malgré des profits colossaux.

Exemptions injustes, enrichissement d’une élite

Certaines décisions fiscales relèvent de l’injustice pure. Les véhicules de l’État, les ambassades, ou encore les sociétés de jeux d’argent détenues par le gouvernement, comme Lotto, sont exemptés de taxes qui étranglent pourtant les acteurs privés. Par exemple, l’impôt sur les jeux de hasard a été triplé pour les entreprises indépendantes, mais épargné pour les structures publiques.

Le message est limpide : au Rwanda, ce n’est pas le pouvoir qui paie pour ses choix stratégiques — c’est le peuple.

Croissance pour qui ?

Les bénéfices des grandes entreprises comme MTN Rwanda explosent (+228 % au premier trimestre 2025), mais ces gains ne se traduisent par aucune amélioration visible pour la population. Pendant ce temps, la majorité des Rwandais s’enfonce dans la précarité, confrontée à des prix en hausse et à des services publics défaillants.

Un modèle en crise

Derrière la vitrine brillante d’un pays “moderne” et “bien gouverné” se cache une réalité brutale : une élite qui concentre les richesses et les privilèges, pendant que la majorité ploie sous le poids de décisions fiscales imposées, sans débat, sans transparence, sans recours.

Si le Rwanda incarne aujourd’hui un autoritarisme fiscal maquillé en bonne gouvernance, il est peut-être temps, pour la communauté internationale comme pour les observateurs africains, de déconstruire le mythe du « miracle rwandais ».

Alice Mutikeys


[1] https://www.donneesmondiales.com/afrique/rwanda/index.php

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