À propos de l’auteur : Éric Ngoga, co-auteur du livre Survivre Par la Parole, vivait dans la zone contrôlée par l’armée du FPR pendant le génocide au Rwanda en 1994. En tant que témoin direct, il a été confronté aux atrocités commises par l’armée du FPR contre des civils innocents durant cette période tragique. Histoire 22 : Éric Ngoga à Byumba, sous le contrôle du FPR.
Dans un monde où la coexistence pacifique est constamment menacée par des individus malveillants, le respect des lois et de l’ordre social est d’une importance primordiale. Malheureusement, l’histoire nous rappelle que même les sociétés les plus stables peuvent basculer dans le chaos et l’anomie. Le Rwanda, entre avril et juillet 1994, a vécu une telle période sombre, où l’absence de loi a ouvert la voie à l’un des génocides les plus atroces du XXe siècle.
Déclenché par l’assassinat du président Habyarimana le 6 avril 1994, le génocide au Rwanda a été une période de violence extrême et de terreur, culminant avec la prise de Kigali par le Front Patriotique Rwandais (FPR) en juillet de la même année. Cette période est à juste titre commémorée comme celle du génocide au Rwanda, un événement qui a laissé des cicatrices profondes dans la société rwandaise et dans la conscience mondiale.
Cependant, la mémoire du génocide est devenue un champ de bataille politique et idéologique. Le gouvernement rwandais, dirigé par le FPR, a délibérément qualifié ce génocide de « génocide contre les Tutsis », occultant ainsi les atrocités commises par le FPR lui-même dans la guerre qui avait débuté en octobre 1990. Sous couvert du retour des réfugiés, le FPR avait pour objectif de prendre le pouvoir, entraînant une guerre sanglante aux nombreuses victimes civiles, toutes ethnies confondues.
L’assassinat du président Habyarimana a servi de catalyseur à un génocide d’une ampleur effroyable, causant des millions de morts et de réfugiés. Parmi ces victimes, toutes les ethnies rwandaises ont été touchées, y compris les Hutus, les Twas et les Tutsis. Même des étrangers qui étaient au Rwanda n’ont pas été épargnés. Pourtant, depuis 30 ans, les victimes du FPR ne sont pas commémorées. Des activistes indépendants luttent chaque année pour que leur histoire ne soit pas oubliée, face à un gouvernement rwandais qui impose une discrimination dans la commémoration du génocide, tant au Rwanda que dans le monde.
Au Rwanda, les autorités reconnaissent le génocide contre les Tutsis, et les dates des commémorations sont dictées par le gouvernement, occultant de nombreuses victimes et l’étendue des massacres depuis octobre 1990. Cette mémoire sélective, imposée par la force de la loi et de la propagande au Rwanda, s’étend à d’autres pays grâce au lobbying intense du FPR et de ses alliés politiques et économiques.

Certains pays coopèrent avec ce pouvoir potentiellement génocidaire, ignorant les crimes commis par le FPR au Rwanda et en République Démocratique du Congo (RDC). La stratégie du gouvernement rwandais est d’exiger une mémoire sélective, minimisant ses propres atrocités et imposant le silence aux victimes sous peine de représailles. Cette politique de négationnisme et de victimisation est dangereuse et sape les fondements mêmes de la justice et de la réconciliation.
Les menaces proférées par la Communauté Rwandaise de France à l’encontre de l’organisation d’un concert caritatif en faveur des enfants victimes de la guerre en RDC sont à prendre au sérieux. Elles illustrent la volonté d’utiliser la tragédie du génocide rwandais pour contrôler le narratif de la guerre en RDC ; dans une région des Grands Lacs d’Afrique déjà ravagée par des guerres dont le gouvernement rwandais est un acteur majeur. Cette situation est d’autant plus préoccupante que le Rwanda continue de jouer un rôle déstabilisateur dans la région, notamment en soutenant des groupes armés en RDC.
Il est impératif que le Rwanda ne soit pas autorisé à dicter aux autres pays comment commémorer le génocide. Les organisations rwandaises doivent comprendre que d’autres groupes ont des objectifs différents et que leurs actions sont aussi importantes sans minimiser le génocide. Reconnaître le génocide ne justifie pas de bafouer les droits d’autres groupes, surtout ceux qui œuvrent pour la mémoire et le respect des droits de l’homme.
En tant que citoyens respectueux des lois, nous devons faire confiance à l’ordre public et aux institutions chargées de le maintenir. Toute entité menaçant cet ordre, qu’elle soit étatique ou non, doit être surveillée et tenue responsable de ses actes. Le génocide rwandais ne doit pas nous empêcher d’être solidaires avec nos frères et sœurs de la RDC dans leur quête de paix et de dignité.

Il est temps que la vérité éclate au grand jour, que toutes les victimes du conflit rwandais soient reconnues et que les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, quelle que soit leur appartenance ethnique ou politique, rendent compte de leurs actes devant la justice internationale. C’est seulement ainsi que nous pourrons espérer construire un avenir de paix et de réconciliation pour le Rwanda, la RDC et toute la région des Grands Lacs.
Eric NGOGA